2022 : un millésime charnière.

Découvrez la lettre du millésime 2022.

Décembre 2022

La climatologie

Après de bonnes précipitations hivernales, les pluies de mars 2022, (107 mm à la station de Perpignan), plutôt régulières, ayant entrainé très peu de ruissellement, ont permis un bon déroulement du cycle végétatif, sans stress jusqu’après la floraison.
Les températures élevées ont favorisé un développement de la vigne très rapide jusqu’à la floraison. En effet, malgré un débourrement plus tardif que la moyenne (4 jours par rapport à la moyenne des 20 dernières années. Source CA66), la floraison est survenue avec 9 jours d’avance par rapport à la moyenne des 20 dernières années. (Source CA66)
Par la suite, le rationnement hydrique sévère a ralenti la poursuite du cycle de la vigne, de la floraison à la véraison.

Une règlementation sur l’irrigation en cours d’évolution : un premier pas

Comme nous l’avions mis en évidence, il y a une dizaine d’années, des apports d’eau raisonnés pendant la maturation (pilotage avec une chambre à pression) contribuent, en situation de stress hydrique sévère à une meilleure maturation des polyphénols de la baie (suivi des indices de Glories).
On ne peut que se réjouir de la possibilité qui serait offerte aux vignerons dès 2023, de pouvoir irriguer leurs vignes après le 15 août.
Il reste à espérer que les démarches nécessaires pour donner aux vignerons la possibilité d’irriguer les vignes AOP entre le 1er mai et la véraison (15 août) soient allégées.

Des dégâts sur grappes rarement observés à aussi grande échelle

Si l’échaudage des baies de Muscat d’Alexandrie est un phénomène connu des vignerons du Roussillon, les dégâts observés cette année dépassent largement le cas de ce seul cépage avec des dessèchements complets de grappes essentiellement exposées face ouest, au soleil de l’après-midi.
Ce phénomène encore rare, lié à la répétition de températures extrêmes, mais déjà observé lors de l’épisode de canicule du 28 juin 2019 où dans certains secteurs, les températures avaient dépassé les 42°C, a surtout impacté les vignes peu vigoureuses avec une exposition plus importante des grappes au soleil.

La gestion des maturations : un exercice d’équilibriste

Conséquences de cette climatologie, le démarrage des vendanges des Muscats à petits grains est survenu, dès les premiers jours d’août sur le secteur du Rivesaltais, lié à des phénomènes de concentration, le poids des baies diminuant parfois de façon brutale.
Sur ces raisins, l’équilibre entre sucre et acidité détermine le choix de la date de récolte (maturité technologique). Etant donné la fulgurance des évolutions, les objectifs en termes d’équilibre entre sucres et acidité ont souvent été dépassés. L’obtention de la fameuse maturité phénolique, caractérisant la maturité de la pellicule et des pépins fut quant à elle, beaucoup plus longue à être atteinte, mettant les nerfs des vignerons à rude épreuve.
Ces conditions climatiques extrêmes du millésime 2022 devant devenir la norme, il conviendra désormais de gérer les maturations de façon encore plus différenciée selon les profils de vin à élaborer.

Une forte mobilisation des réserves de la plante

Rappel : il est admis :

-L’antagonisme dans l’absorption par le système racinaire entre potassium et magnésium,

-De faibles précipitations suffisent à l’absorption du potassium en sol non cultivé, en période de maturation, par le système racinaire superficiel. Or nous avons noté lors des suivis de maturation 2022, des teneurs en potassium dans les moûts, supérieures à celles enregistrées en 2021.
Un autre mécanisme physiologique intervient ici, assez nouveau, celui de la mise à disposition par la plante, d’une partie de ses réserves, pour mieux structurer les pellicules des baies et les rendre plus résistantes au stress hydrique et à la canicule.


Un parfait état sanitaire tout au long des vendanges

La sècheresse persistante associée aux températures caniculaires a contribué au maintien d’un excellent état sanitaire jusqu’aux derniers jours des vendanges.
Les précipitations du 23 septembre surtout localisées en plaine (37,9mm à Perpignan contre quelques millimètres sur Maury), n’ont pas affecté l’intégrité des baies des terroirs tardifs de la Vallée de l’Agly où la maturité des baies n’était pas encore atteinte.

Pour une bonne maîtrise des fermentations alcooliques

Des teneurs en sucres élevées, des acidités particulièrement basses, peu d’azote assimilable, tel était de façon générale, le profil des moûts de ce millésime.
Le choix de souches de levures adaptées, accompagné des bons ajouts d’activateurs ont été les conditions nécessaires à l’achèvement de fermentations alcooliques de moûts à 16-17° d’alcool potentiel.

Une règlementation sur l’acidification inadaptée

Le règlement UE n°2021/2117 modifie les dispositions du règlement UE 1308/2013 (OCM). Désormais, l’acidification et la désacidification sont possibles partout, dans les limites fixées par l’annexe VIII. Partie I, C. du règlement UE 1308/2013. Il n’y a donc plus lieu de solliciter une autorisation « dérogatoire » et ce, dès la récolte 2022. Selon ce texte, l’acidification est autorisée sur tous les produits (du raisin au vin) dans la limite maximale de 4 g/l, exprimé en acide tartrique.
Les produits autorisés sont notamment l’acide L(+) tartrique d’origine agricole.
La pratique doit être réalisée dans l’entreprise de vinification :

-Sur raisins frais, moût de raisins, moût de raisins partiellement fermenté, vin nouveau encore en fermentation dans la limite maximale de 150 g/hl exprimée en AT avant le 1er janvier suivant la récolte, en une seule fois.

-Sur vin fini dans la limite maximale de 250 g/hl exprimée en AT toute l’année.

Pourquoi ne pas autoriser tout simplement la pratique de l’acidification dans la limite de 400g/hl, sans distinction du stade de l’élaboration, avec possibilité de fractionnement, les prix atteints par l’acide tartrique n’incitant guère au gaspillage.

La Digital PCR : un outil très efficace de détection de Brettanomycès dès la baie de raisin

Premier laboratoire d’œnologie français équipé de Digital PCR, nous avons mis en place un travail original, sur un vignoble regroupé, de suivi des populations pendant la phase de maturation et post récolte.

Evolution des populations de Brettanomycès Bruxellensis sur baies.

Les vendanges de ces parcelles sont survenues le 30 et le 31 août pour le Grenache noir, le 20 septembre sur la Syrah et le 30 septembre sur le Mourvèdre.

Les suivis se sont poursuivis sur des ceps non vendangés.

Contrairement à certaines idées reçues, Brettanomycès bruxellensis est bien présente sur baies.

Les populations progressent, de façon différenciée suivant les parcelles et/ou les cépages, à partir du 27 septembre. Les niveaux atteints sur Grenache noir et Syrah sont élevés et approchent les 1,0 E+4 unités par millilitre. Les pluies du 23 septembre en sont peut-être la cause. Il conviendra de vérifier en 2023 les corrélations entre pluies et développement de Brettanomycès bruxellensis.

Aucune note phénolée n’est apparue sur le vin rosé ou les vins rouges.

Brettanomycès bruxellensis : « apprendre à vivre avec »

Niveau de contamination et cépage

Les niveaux de contamination très élevés (>1,0 E+05) unités/mL) sur Carignan le 13 octobre ont nécessité, avant l’apparition de notes phénolées, une intervention rapide.

Les niveaux de contamination sur Syrah au 19 octobre sont plus faibles. Seule le cuve 7 a fait l’objet d’une intervention spécifique, le niveau des contaminations étant en hausse au 2 octobre.

Ces premiers résultats confirment des hypothèses issues de retour d’expérience :

-Brettanomycès est présent dès la baie de raisin,

-Les conditions d’humidité semblent contribuer à son développement au vignoble,

D’autres hypothèses devront être confirmées en 2023 :

-Certains cépages comme le Carignan et à un niveau moindre la Syrah sont plus impacts que le grenache noir par exemple.

-Certaines techniques de macération, comme les macérations pré-fermentaires à froid favorisent le développement de Brettanomycès.

Le millésime 2022 aura permis l’établissement de corrélations entre le nombre d’unités de Brettanomycès et la nécessité d’intervenir pour prévenir l’apparition des notes phénolées.

L’apport de la microscopie à épifluorescence

Autre acquisition de SYNERGIE LAB pour ce millésime, cette technologie nous a permis de juger de la vitalité de levains pour assurer les fins de fermentations alcooliques ou le bon déroulement des fermentations malo-lactiques.

En effet, seuls les germes vivants sont pris en compte avec possibilité de dénombrements.

Vue du champ du microscope avec possibilité de dénombrement des bactéries lactiques et acétiques vivantes

Sur la qualité des vins

Pleins de bonnes surprises sont les résultats sur les blancs et rosés. Malgré des moûts très oxydatifs, la mise en oeuvre précise des protocoles de vinification a permis de proposer des cuvées aux robes pâles, pour certaines particulièrement aromatiques.

La réfrigération des raisins et la stabulation à froid associées à la mise en oeuvre de levures non saccharomycès ont contribué à l’augmentation du volume en bouche et de l’intensité aromatique de bon nombre de cuvées.

Le maintien de l’état sanitaire, la patience des vignerons ont permis l’atteinte de la fameuse maturité phénolique, condition nécessaire à l’élaboration de vins rouges aux arômes de fruits murs, pleins en bouche, aux tanins enrobés. D’ailleurs le négoce ne s’y trompe pas, qui tente de profiter de belles opportunités en Roussillon.

Une plante à la résistance extraordinaire

En dépit de la quasi absence de pluie de mai à novembre et de températures caniculaires, la récolte au plan départemental approchera le volume de celui de 2021.

La sécheresse persistante ayant empêché l’apparition du mildiou mosaïque, associée à l’absence de gelées automnales, le feuillage s’est maintenu longtemps dans l’arrière-saison. En dépit de tous ces aléas la taille des premières parcelles fait apparaître des sarments de jolis diamètres.

Les enseignements de ce millésime

« Celui qui veut tirer des enseignements de ses erreurs doit chaque jour apprendre à surmonter ses craintes » Ralph Waldo Emerson philosophe, essayiste, poète américain.

Au-delà des interrogations posées plus haut sur l’irrigation et l’acidification

-Repenser l’agencement du feuillage : les formes à port retombant, sous conditions de faibles risque phytosanitaire, contribuent à la protection des grappes en limitant l’insolation excessive des après-midis. Elles ont présenté un réel avantage par rapport aux formes palissées à port vertical.

-Trouver un juste équilibre entre surface foliaire suffisante pour assurer la maturation de la baie et réduction de la surface foliaire pour limiter l’évapotranspiration.

-Favoriser l’alimentation des plantes en privilégiant la voir foliaire.

Au plus long terme

Les vieilles vignes de Carignan et de Grenache noir, avec des densités souvent inférieures à 3000 ceps à l’hectare, ont surpris par leur remarquable résistance à la sécheresse et à la canicule : beau feuillage encore fonctionnel à la fin septembre, baies peu atteintes de flétrissement ou dessèchement.

Les écartements entre ceps, dans tous les vignobles du monde soumis à une forte contrainte hydrique, sont élevés avec des conduites en gobelets bas et des peuplements de 2000 à 2500 ceps à l’hectare. les cahiers des charges de nos AOP et autres IGP sont-ils adaptés à cette nouvelle donne ?

L’eau devenant de plus en plus rare et un facteur limitant dans la production, il convient également d’augmenter la capacité de stockage en eau des sols par des apports de matière organique ou encore par des couverts végétaux temporaires de l’automne au début du printemps.

2021 un millésime fortement impacté par les aléas climatiques

Les détails du millésime 2021.

Janvier 2022

Un automne et un hiver déficitaires en précipitations, suivis d’un débourrement précoce :
Pas tempête Gloria cet hiver 2021 accompagnée de crues mais à l’inverse un déficit en précipitations considérable : 175mm enregistrés à Perpignan entre début octobre 2020 et fin mars 2021 contre 400mm en moyenne sur la même période.
Après un mois de janvier plutôt froid, la douceur de février et mars a provoqué un débourrement de la vigne plus précoce de 7 jours environ par
rapport à la moyenne des 20 dernières années.

Un épisode de gel inhabituel dans les Pyrénées Orientales :
La nuit du 7 au 8 avril a vu les températures descendre en dessous des -2°5C, température critique pour le gel de printemps. Gelée blanche ou gelée noire, il est difficile de se prononcer précisément tant les dégâts ont surpris par leur répartition spatiale. Les deux types de gelée blanche (par rayonnement) et noire (par déplacement de masse d’air froide) ont
probablement frappé de façon concomitante.
Les dégâts, localement importants avec jusqu’à 80 à 90% de perte, s’avèrent fort heureusement réduits à l’échelle du département,
contrairement à bien d’autres régions. La taille des parcelles gelées, plus longue en raison d’un développement hétérogène de la végétation est en cours. Quelques coursons sont restés sans pousses. On observe dans ce cas particulier, des lésions sur les tissus vasculaires qui conduisent la sève.

Un cycle végétatif encore marqué par la sècheresse :
A l’inverse du printemps 2020 où l’on avait relevé plus de 250mm de pluie entre les 18 et 25 avril par endroit, les mois d’avril et mai ont été frais et secs, faisant perdre notamment l’avance sur le cycle constaté au débourrement.
Cette sècheresse s’est accentuée jusqu’au début septembre mais n’a pas, fort heureusement, été accompagnée de températures caniculaires pendant la période estivale.

Les caprices du Grenache noir :
Avec les températures très élevées des 12 et 13 juin, bon nombre de ceps ont vu leur production fondre, suite à des phénomènes de coulure.
Une forte hétérogénéité intra parcellaire ayant été observée, il est raisonnable d’avancer que cette coulure « climatique » est certainement à
associer à une coulure physiologique, celle-ci provenant d’une mise en réserve insuffisante après la récolte 2020, généreuse sur ce cépage.

Des pluies mal venues dans les terroirs précoces :
Alors que les vendanges avaient débuté depuis quelques jours par la récolte de cépages destinées à l’élaborations de vins blancs et rosés, des pluies orageuses ont fortement impactées les terroirs les plus précoces où les cépages noirs destinés à l’élaboration de vins rouges poursuivaient leur maturation.
D’un millésime à petites baies et faibles rendements en jus avec quelques parcelles marquées par le stress hydrique, la situation changea radicalement avec un important grossissement des baies et une fragilisation de l’état sanitaire liée à des humidités persistantes.

Un suivi rapproché de l’évolution des fins de maturations :
Trouver un bon équilibre entre maintien de l’intégrité de la baie et maturités suffisantes des pulpes, des pépins et des pellicules est un des
points clés de la maîtrise de ce millésime. Le tri de la vendange à la parcelle et au chai a été mis en œuvre dans bien des situations où la valorisation du raisin le permet. En quelques jours la gestion du stress hydrique a été relégué au second plan même si certains
raisins non encore vendangés, dans des secteurs précoces sont restés marqués par le manque d’eau des mois écoulés.

Des fermentations souvent languissantes :
Les pluies et humidités de ce début septembre ont favorisé le développement d’une flore indigène abondante à la surface des baies.
La qualité de la préparation des levains s’est avérée déterminante pour le bon déroulement de la fermentation alcoolique jusqu’à son terme.
Les écarts dans la préparation des levains, la maîtrise des températures, les apports d’oxygène ont eu des conséquences parfois importantes avec des fermentations languissantes ou des arrêts, des départs en fermentation malolactique trop précoces ou encore des développements de Brettanomycès bruxellensis intempestifs.

De belles réussites en blancs et en rosés :
Avec une récolte plus généreuse qu’en 2020, les Macabéo ont agréablement surpris par la finesse des vins.
Les cuvées de Muscats à petits grains et d’Alexandrie, vendangés avec le bon rapport sucres – acidités présentent des palettes aromatiques très riches.
Les Grenaches blancs et gris, avec des productions plus faibles qu’en 2020 demeurent des valeurs sûres dans nos terroirs.
Les autres cépages blancs, Chardonnay, Viognier, Roussanne et Vermentino ont donné des vins bien équilibrés, avec de belles expressions
variétales.
Les parcelles de Grenache noir dédiées à l’élaboration de rosé ont donné des vins avec des arômes délicats et un bon volume en bouche pour autant que la sélection des moûts en sortie de pressoir ait été faite précisément.

Les terroirs « tardifs » à l’honneur avec les vins rouges :
« La patience est la vertu des forts » (Emile
Gagnon).
Cette citation a souri à bon nombre de vignerons dont la patience a été récompensée : en effet les maturations ont pu se dérouler plus complètement grâce à une météorologie plus clémente. De belles cuvées de Syrah, Carignan et Grenache noir ont été élaborées dans ces terroirs : des vins aux arômes de fruits murs, pleins en bouche, aux tanins enrobés.
Malgré tout, la tendance générale sur ce millésime, reste, pour les vins rouges, sur des cuvées moins riches en alcool, des vins plus frais et moins solaires.

Un important travail d’élevage et d’assemblage :
« Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage. Polissez-le sans cesse et le repolissez – Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. » (Nicolas
Boileau)
Cette citation se justifie pleinement, pour ce millésime, tant le travail d’élevage quelle que soit la couleur revêt une importance capitale. De même tous les essais d’assemblages réalisés par Synergie Lab, mettent en évidence la très grande précision nécessaire dans leur réalisation, tant les profils évoluent à quelques dizaines de litres près.

Conclusion :
Avec environ 500 000 hl de production attendue et un rendement moyen voisin de 26hl/ha, la récolte 2021, nous ramène à ce que le département produisait entre 1860 et 1869 ! On est bien loin des plus de 4,6 millions d’hl
produits en 1934 sur plus de 71 000ha pour un rendement moyen de 65hl/ha environ.
Dans ce contexte inédit, le monde vigneron doit
impérativement s’adapter. Au vignoble, les choix de cépages et de pratiques culturales (optimisation de la ressource en eau, maîtrise des adventices, …) sont désormais conditionnés par les évolutions climatiques. Il en est de même au niveau du chai, dans les choix de vinification et d’élevage.

2020 : un millésime exceptionnel

Le millésime 2020 expliqué en détails.

Janvier 2021

Un hiver tempétueux et doux :
L’année commença par le passage de la tempête GLORIA en janvier, accompagnée d’énormes précipitations, de 300mm localement, et de crues des principaux cours d’eau. D’importants dégâts fort heureusement localisés sont à déplorer sur des parcelles envahies par les crues. On ne comptait pas les chemins et les vignes ravinés. Après cet événement d’une rare violence, l’hiver fut doux avec par exemple en février une température moyenne supérieure de 3,5° à la normale saisonnière. Le réchauffement précoce des sols associé à une bonne humidité a provoqué les premiers pleurs de la vigne très tôt, signe du réveil des ceps. Cette douceur persistante provoqua un débourrement de la vigne très précoce, le plus précoce de ces vingt dernières années selon le référentiel de la Chambre d’Agriculture des Pyrénées Orientales.

Ce qui suivi relève du jamais vu de mémoire de vigneron :
Avec un mois de mars et un début avril cléments, les processus de minéralisation et d’assimilation des éléments, azote et fer notamment, par la plante se mettent en place. Les sorties en inflorescence sont jugées convenables à l’exception des Macabéo. Le cycle végétatif 2020 s’engageait donc plutôt sous de bons hospices, sauf que le ciel allait nous tomber sur la tête. Plus de 250mm de précipitations par endroit entre les 18 et 22 avril, suivis de 5 épisodes pluvieux jusqu’à la fin du printemps, plusieurs jours consécutifs d’humidité début mai, la Tramontane aux abonnés absents, autant d’événements climatiques qui ont marqué la période avec d’énormes répercutions sur la pression parasitaire et notamment le mildiou. Du jamais vu de mémoire de vignerons, au-delà de 1988, année mémorable en Roussillon en raison des pertes de récolte causées par ce même parasite.

Des fortunes diverses :
Que d’efforts entrepris par les plus courageux. Des démarrages très précoces dans la protection des vignes, des cadences de traitements réduites, des produits phytosanitaires adaptés à la situation et appliqués dans le respect des règles de la pulvérisation ont été les clés de la réussite
dans la maîtrise du mildiou. Rien de nouveau en somme mais la moindre
défaillance s’est traduite en 2020 par un fort développement de la maladie.
Comme souvent en viticulture, l’anticipation et la prévention demeurent les meilleures recettes pour éviter de gros déboires. Les efforts ont été récompensés avec à la clé une récolte abondante chez les vignerons ayant maîtrisé ce premier parasite.

Une course d’obstacle :
Malgré un hiver et un printemps arrosés, malgré un été chaud mais sans excès, dès la mi-juillet, les outils de pilotage de l’irrigation de la vigne, y compris dans des sols profonds, mettaient en avant la nécessité d’une irrigation modérée, irrigation qui s’est poursuivie tard dans l’été en raison d’un temps sec et d’un bon développement végétatif de la vigne. Aussi dans la perspective de conditions à venir plus sèches pendant tout ou partie du cycle végétatif de la vigne, nous insistons une nouvelle fois sur la mobilisation des énergies autour de la réalisation de projets d’irrigation de la vigne.
Si 2019 avait vu l’Eudémis (LOBESIA BOTRANA) plutôt discret dans le vignoble, il n’en fut pas de même en 2020. La pression exercée par ce
parasite a été particulièrement forte dans le secteur des ALBERES et surtout des ASPRES : le recours à des applications fut nécessaire dans des
zones en confusion sexuelle, qui n’avaient pas été traitées en 2019.
Et comme si cela ne suffisait pas, CRYPTOBLABES GNIDIELLA s’en est mêlé, occasionnant ponctuellement des pertes de récolte importantes.

Un démarrage des vendanges précoce pour une récolte historiquement faible :
La précocité notée au débourrement s’est confirmée sur les dates de floraison et de véraison. Ainsi les vendanges ont débuté avec quatre à six
jours d’avance sur 2019 environ (source CA 66), confirmant cette tendance lourde de démarrages de plus en plus précoces de la récolte, liés au réchauffement climatique.
Avec environ 500 000 hl de production attendue et un rendement moyen inférieur à 26hl/ha, la récolte 2020, nous ramène à ce que le département produisait entre 1860 et 1869 ! On est bien loin des plus de 4,6 millions d’hl produits en 1934 sur plus de 71 000ha pour un rendement moyen de 65hl/ha environ.

Les raisins :
Le poids des baies élevé associé à des teneurs en acide malique inhabituellement fortes sont certainement les deux éléments marquants des suivis de maturation.
Le bon déroulement de la floraison et l’abondance des pluies printanières associées à l’absence de canicule et de tramontane desséchante ont contribué d’une part à une bonne différenciation cellulaire des baies et d’autre part à un bon grossissement de celles-ci, conditions nécessaires à des poids de baies plus élevés.
Le bon développement du feuillage (les écimages ont été nombreux cette année) ainsi que l’absence de conditions estivales extrêmes ont favorisé la synthèse d’acide malique dans le feuillage et son accumulation dans la baie.
Malgré une canopée importante l’accumulation des sucres dans les baies n’a pas atteint les sommets des millésimes précédents, contribuant à un meilleur déroulement des fermentations.


Et il a fallu s’adapter :

A la vigne pour prendre en compte :

  • L’évolution de l’état sanitaire,
  • L’hétérogénéité des cinétiques de maturation corrélées à la charge par pied,
  • La réalité des profils des raisins et revoir parfois les objectifs de produits.

Au chai en utilisant :

  • La saignées des cuves de vendanges rouges pour rétablir un équilibre plus favorable entre phase liquide et solide,
  • L’encuvage simultané du Grenache noir et de la Syrah pour compenser certains déficits de couleur sur ce premier,
  • Les moyens de chauffage disponibles sur les fins de macération des vendanges rouges pour augmenter le volume en bouche des vins.

Les vins :
Les vins blancs généralement plus frais cette année présentent des palettes aromatiques variés. L’élaboration de vins rosés très pâles a été favorisée par des baies plus juteuse et la récolte généreuse des Grenaches gris et noirs. La palette des vins rouges reste très riche, en fonction des cépages, des niveaux de maturité atteints et des terroirs. La tendance donne pour
ce millésime des vins moins riches en alcool et plus frais, des vins moins solaires. L’élevage de ce millésime si particulier est en
cours. Les essais d’assemblage des premières cuvées de vin rouge mettent en évidence la très grande précision dans la réalisation de ceux-ci au chai
ainsi qu’un travail préalable en amont de mise en suspension des lies et de travail spécifique sur les vins de presse. La maîtrise de l’oxygène dissous pendant toute la phase d’élevage jusqu’à la mise en bouteille sera plus que jamais déterminante quant à l’évolution qualitative des vins conditionnés.

Et il faudra encore s’adapter et innover : 
Dans ce contexte inédit, le monde vigneron saura faire preuve de « résilience » car il connaît notamment les coups durs climatiques. L’adaptation au contexte sanitaire inédit qui perdure va révéler en lui, sa capacité à innover pour valoriser tous les efforts accomplis, en attendant l’arrivée des jours meilleurs.