Janvier 2021
Un hiver tempétueux et doux :
L’année commença par le passage de la tempête GLORIA en janvier, accompagnée d’énormes précipitations, de 300mm localement, et de crues des principaux cours d’eau. D’importants dégâts fort heureusement localisés sont à déplorer sur des parcelles envahies par les crues. On ne comptait pas les chemins et les vignes ravinés. Après cet événement d’une rare violence, l’hiver fut doux avec par exemple en février une température moyenne supérieure de 3,5° à la normale saisonnière. Le réchauffement précoce des sols associé à une bonne humidité a provoqué les premiers pleurs de la vigne très tôt, signe du réveil des ceps. Cette douceur persistante provoqua un débourrement de la vigne très précoce, le plus précoce de ces vingt dernières années selon le référentiel de la Chambre d’Agriculture des Pyrénées Orientales.
Ce qui suivi relève du jamais vu de mémoire de vigneron :
Avec un mois de mars et un début avril cléments, les processus de minéralisation et d’assimilation des éléments, azote et fer notamment, par la plante se mettent en place. Les sorties en inflorescence sont jugées convenables à l’exception des Macabéo. Le cycle végétatif 2020 s’engageait donc plutôt sous de bons hospices, sauf que le ciel allait nous tomber sur la tête. Plus de 250mm de précipitations par endroit entre les 18 et 22 avril, suivis de 5 épisodes pluvieux jusqu’à la fin du printemps, plusieurs jours consécutifs d’humidité début mai, la Tramontane aux abonnés absents, autant d’événements climatiques qui ont marqué la période avec d’énormes répercutions sur la pression parasitaire et notamment le mildiou. Du jamais vu de mémoire de vignerons, au-delà de 1988, année mémorable en Roussillon en raison des pertes de récolte causées par ce même parasite.
Des fortunes diverses :
Que d’efforts entrepris par les plus courageux. Des démarrages très précoces dans la protection des vignes, des cadences de traitements réduites, des produits phytosanitaires adaptés à la situation et appliqués dans le respect des règles de la pulvérisation ont été les clés de la réussite
dans la maîtrise du mildiou. Rien de nouveau en somme mais la moindre
défaillance s’est traduite en 2020 par un fort développement de la maladie.
Comme souvent en viticulture, l’anticipation et la prévention demeurent les meilleures recettes pour éviter de gros déboires. Les efforts ont été récompensés avec à la clé une récolte abondante chez les vignerons ayant maîtrisé ce premier parasite.
Une course d’obstacle :
Malgré un hiver et un printemps arrosés, malgré un été chaud mais sans excès, dès la mi-juillet, les outils de pilotage de l’irrigation de la vigne, y compris dans des sols profonds, mettaient en avant la nécessité d’une irrigation modérée, irrigation qui s’est poursuivie tard dans l’été en raison d’un temps sec et d’un bon développement végétatif de la vigne. Aussi dans la perspective de conditions à venir plus sèches pendant tout ou partie du cycle végétatif de la vigne, nous insistons une nouvelle fois sur la mobilisation des énergies autour de la réalisation de projets d’irrigation de la vigne.
Si 2019 avait vu l’Eudémis (LOBESIA BOTRANA) plutôt discret dans le vignoble, il n’en fut pas de même en 2020. La pression exercée par ce
parasite a été particulièrement forte dans le secteur des ALBERES et surtout des ASPRES : le recours à des applications fut nécessaire dans des
zones en confusion sexuelle, qui n’avaient pas été traitées en 2019.
Et comme si cela ne suffisait pas, CRYPTOBLABES GNIDIELLA s’en est mêlé, occasionnant ponctuellement des pertes de récolte importantes.
Un démarrage des vendanges précoce pour une récolte historiquement faible :
La précocité notée au débourrement s’est confirmée sur les dates de floraison et de véraison. Ainsi les vendanges ont débuté avec quatre à six
jours d’avance sur 2019 environ (source CA 66), confirmant cette tendance lourde de démarrages de plus en plus précoces de la récolte, liés au réchauffement climatique.
Avec environ 500 000 hl de production attendue et un rendement moyen inférieur à 26hl/ha, la récolte 2020, nous ramène à ce que le département produisait entre 1860 et 1869 ! On est bien loin des plus de 4,6 millions d’hl produits en 1934 sur plus de 71 000ha pour un rendement moyen de 65hl/ha environ.
Les raisins :
Le poids des baies élevé associé à des teneurs en acide malique inhabituellement fortes sont certainement les deux éléments marquants des suivis de maturation.
Le bon déroulement de la floraison et l’abondance des pluies printanières associées à l’absence de canicule et de tramontane desséchante ont contribué d’une part à une bonne différenciation cellulaire des baies et d’autre part à un bon grossissement de celles-ci, conditions nécessaires à des poids de baies plus élevés.
Le bon développement du feuillage (les écimages ont été nombreux cette année) ainsi que l’absence de conditions estivales extrêmes ont favorisé la synthèse d’acide malique dans le feuillage et son accumulation dans la baie.
Malgré une canopée importante l’accumulation des sucres dans les baies n’a pas atteint les sommets des millésimes précédents, contribuant à un meilleur déroulement des fermentations.
Et il a fallu s’adapter :
A la vigne pour prendre en compte :
- L’évolution de l’état sanitaire,
- L’hétérogénéité des cinétiques de maturation corrélées à la charge par pied,
- La réalité des profils des raisins et revoir parfois les objectifs de produits.
Au chai en utilisant :
- La saignées des cuves de vendanges rouges pour rétablir un équilibre plus favorable entre phase liquide et solide,
- L’encuvage simultané du Grenache noir et de la Syrah pour compenser certains déficits de couleur sur ce premier,
- Les moyens de chauffage disponibles sur les fins de macération des vendanges rouges pour augmenter le volume en bouche des vins.
Les vins :
Les vins blancs généralement plus frais cette année présentent des palettes aromatiques variés. L’élaboration de vins rosés très pâles a été favorisée par des baies plus juteuse et la récolte généreuse des Grenaches gris et noirs. La palette des vins rouges reste très riche, en fonction des cépages, des niveaux de maturité atteints et des terroirs. La tendance donne pour
ce millésime des vins moins riches en alcool et plus frais, des vins moins solaires. L’élevage de ce millésime si particulier est en
cours. Les essais d’assemblage des premières cuvées de vin rouge mettent en évidence la très grande précision dans la réalisation de ceux-ci au chai
ainsi qu’un travail préalable en amont de mise en suspension des lies et de travail spécifique sur les vins de presse. La maîtrise de l’oxygène dissous pendant toute la phase d’élevage jusqu’à la mise en bouteille sera plus que jamais déterminante quant à l’évolution qualitative des vins conditionnés.
Et il faudra encore s’adapter et innover :
Dans ce contexte inédit, le monde vigneron saura faire preuve de « résilience » car il connaît notamment les coups durs climatiques. L’adaptation au contexte sanitaire inédit qui perdure va révéler en lui, sa capacité à innover pour valoriser tous les efforts accomplis, en attendant l’arrivée des jours meilleurs.